Thérèse de Lisieux et la Miséricorde (2/2)

Voici la deuxième conférence que nous avons donnée sur sainte Thérèse de Lisieux et la Miséricorde (retrouvez la première ici). Elle nous apprend que Dieu est Amour et Miséricorde, et que donc nous pouvons le prier avec confiance!

Sainte Thérèse de Lisieux et la Miséricorde (2/2)

Voici les citations de la petite Thérèse lues dans la conférence:

1ère partie) La miséricorde préventive

« Je suppose que le fils d’un habile docteur rencontre sur son chemin une pierre qui le fasse tomber et que dans sa chute il se casse un membre ; aussitôt son père vient à lui, le relève avec amour, soigne ses blessures, employant à cela toutes les ressources de son art et bientôt son fils complètement guéri lui témoigne sa reconnaissance. Sans doute cet enfant a bien raison d’aimer ainsi son père !
Mais je vais encore faire une autre supposition. Le père ayant su que sur la route de son fils se trouvait une pierre, s’empresse d’aller devant lui et la retire, sans être vu de personne. Certainement, ce fils,{ Ms A, 39 r° } objet de sa prévoyante tendresse, ne sachant pas le malheur dont il est délivré par son père ne lui témoignera pas sa reconnaissance et l’aimera moins que s’il eût été guéri par lui… mais s’il vient à connaître le danger auquel il vient d’échapper, ne l’aimera-t-il pas davantage ?
Eh bien, c’est moi qui suis cette enfant, objet de l’amour prévoyant d’un Père qui n’a pas envoyé son Verbe pour racheter les justes mais les pécheurs. Il veut que je l’aime parce qu’il m’a remis, non pas beaucoup, mais tout. Il n’a pas attendu que je l’aime beaucoup comme Ste Madeleine, mais il a voulu que je sache comment il m’avait aimée d’un amour d’ineffable prévoyance, afin que maintenant je l’aime à la folie !… J’ai entendu dire qu’il ne s’était pas rencontré une âme pure aimant davantage qu’une âme repentante, ah ! que je voudrais faire mentir cette parole !… » (Ms A, 38-39)

2ème partie) Thérèse enseigne la Miséricorde à l’abbé Bellière

LT 247 : « Ne croyez pas m’effrayer en me parlant «de vos belles années gaspillées». Moi je remercie Jésus qui vous a regardé d’un regard d’amour comme autrefois le jeune homme de l’Evangile. Plus heureux que lui vous avez répondu fidèlement à l’appel du Maître, vous avez tout quitté pour Le suivre, et cela au plus bel âge de la vie, à 18 ans. Ah ! mon frère, comme moi vous pouvez chanter les miséricordes du Seigneur, elles brillent en vous dans toute leur splendeur… Vous aimez St Augustin, Ste Madeleine, ces âmes auxquelles «Beaucoup de péchés ont été remis parce qu’elles ont beaucoup aimé». Moi aussi je les aime, j’aime leur repentir, et surtout… leur amoureuse audace ! Lorsque je vois Madeleine s’avancer devant les nombreux convives, arroser de ses larmes les pieds de son Maître adoré, qu’elle touche pour la première fois ; je sens que son coeur a compris les abîmes d’amour et de miséricorde du Coeur de Jésus, et que toute pécheresse qu’elle est ce Coeur d’amour est non seulement disposé à lui pardonner, mais encore à lui prodiguer les bienfaits de son intimité divine, à l’élever jusqu’aux plus hauts sommets de la contemplation.
         Ah ! mon cher petit Frère, depuis qu’il m’a été donné de comprendre aussi l’amour du Coeur de Jésus, je vous avoue qu’il a chassé de mon coeur toute crainte. Le souvenir de mes fautes m’humilie, me porte à ne jamais m’appuyer sur ma force qui n’est que faiblesse, mais plus encore ce souvenir me parle de miséricorde et d’amour.
         Comment lorsqu’on jette ses fautes avec une confiance toute filiale dans le brasier dévorant de l’Amour, comment ne seraient-elles pas consumées sans retour ? »

LT 258 : « Je ne m’étonne en aucune façon que la pratique de la familiarité avec Jésus vous semble un peu difficile à réaliser ; on ne peut y arriver en un jour […]
         Je voudrais essayer de vous faire comprendre par une comparaison bien simple combien Jésus aime les âmes même imparfaites qui se confient à Lui : Je suppose qu’un père ait deux enfants espiègles et désobéissants, et que venant pour les punir il en voie un qui tremble et s’éloigne de lui avec terreur, ayant pourtant au fond du coeur le sentiment qu’il mérite d’être puni ; et que son frère, au contraire, se jette dans les bras du père en disant qu’il regrette de lui avoir fait de la peine, qu’il l’aime et que, pour le prouver, il sera sage désormais, puis cet enfant demande à son père de le punir par un baiser, je ne crois pas que le coeur de l’heureux père puisse résister à la confiance filiale de son enfant dont il connaît la sincérité et l’amour. Il n’ignore pas cependant que plus d’une fois son fils retombera dans les mêmes fautes mais il est disposé à lui pardonner toujours, si toujours son fils le prend par le coeur… Je ne vous dis rien du premier enfant, mon cher petit frère, vous devez comprendre si son père peut l’aimer autant et le traiter avec la même indulgence que l’autre… »

LT 261 : « Il faut que vous ne me connaissiez qu’imparfaitement pour craindre qu’un récit détaillé de vos fautes puisse diminuer la tendresse que j’ai pour votre âme ! O mon frère, croyez-le, je n’aurai pas besoin de «mettre la main sur la bouche de Jésus» ! Il a depuis longtemps oublié vos infidélités, seuls vos désirs de perfection sont présents pour réjouir son coeur. Je vous en supplie, ne vous traînez plus à ses pieds, suivez ce «premier élan qui vous entraîne dans ses bras», c’est là votre place, et j’ai constaté plus encore que dans vos autres lettres qu’il vous est interdit d’aller au Ciel par une autre voie que celle de votre pauvre petite soeur.
         Je suis tout à fait de votre avis, «Le Coeur divin est plus attristé des mille petites indélicatesses de ses amis que des fautes même graves que commettent les personnes du monde» mais, mon cher petit frère, il me semble que c’est seulement quand les siens, ne s’apercevant pas de leurs continuelles indélicatesses s’en font une habitude et ne Lui demandent pas pardon, que Jésus peut dire ces paroles touchantes qui nous sont mises dans la bouche par l’église pendant la semaine sainte : «Ces plaies que vous voyez au milieu de mes mains, ce sont celles que j’ai reçues dans la maison de ceux qui m’aimaient!» Pour ceux qui l’aiment et qui viennent après chaque indélicatesse Lui demander pardon en se jetant dans ses bras, Jésus tressaille de joie, Il dit à ses anges ce que le père de l’enfant prodigue disait à ses serviteurs : «Revêtez-le de sa première robe, mettez-lui un anneau au doigt, réjouissons-nous.» Ah ! mon frère, que la bonté, l’amour miséricordieux de Jésus sont peu connus !… Il est vrai que pour jouir de ces trésors, il faut s’humilier, reconnaître son néant, et voilà ce que beaucoup d’âmes ne veulent pas faire, mais, mon petit frère, ce n’est pas ainsi que vous agissez, aussi la voie de la confiance simple et amoureuse est bien faite pour vous.
         Je voudrais que vous soyez simple avec le bon Dieu »

LT 263 : « Je vous avoue, mon petit frère, que nous ne comprenons pas le Ciel de la même manière. Il vous semble que participant à la justice, à la sainteté de Dieu je ne pourrai comme sur la terre excuser vos fautes. Oubliez-vous donc que je participerai aussi à la miséricorde infinie du Seigneur ? Je crois que les Bienheureux ont une grande compassion pour nos misères, ils se souviennent qu’étant comme nous fragiles et mortels, ils ont commis les mêmes fautes, soutenu les mêmes combats et leur tendresse fraternelle devient plus grande encore qu’elle ne l’était sur la terre, c’est pour cela qu’ils ne cessent de nous protéger et de prier pour ns. »

LT 266, dernière lettre de Thérèse : « Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit… je l’aime !… car Il n’est qu’amour et miséricorde ! »

3e partie) L’acte d’offrande à l’Amour Miséricordieux

Ms A, 84 : « Cette année, le 9 Juin, fête de la Sainte Trinité, j’ai reçu la grâce de comprendre plus que jamais combien Jésus désire être aimé.
         Je pensais aux âmes qui s’offrent comme victimes à la Justice de Dieu afin de détourner et d’attirer sur elles les châtiments réservés aux coupables, cette offrande me semblait grande et généreuse, mais j’étais loin de me sentir portée à la faire. «O mon Dieu! m’écriai-je au fond de mon coeur, n’y aura-t-il que votre Justice qui recevra des âmes s’immolant en victimes?… Votre Amour Miséricordieux n’en a-t-il pas besoin lui aussi?… De toutes parts il est méconnu, rejeté; les coeurs auxquels vous désirez le prodiguer se tournent vers les créatures leur demandant le bonheur avec leur misérable affection, au lieu de se jeter dans vos bras et d’accepter votre Amour infini… O mon Dieu ! votre Amour méprisé va-t-il rester en votre Coeur ? Il me semble que si vous trouviez des âmes s’offrant en Victimes d’holocaustes à votre Amour, vous les consumeriez rapidement, il me semble que vous seriez heureux de ne point comprimer les flots d’infinies tendresses qui sont en vous… Si votre Justice aime à se décharger, elle qui ne s’étend que sur la terre, combien plus votre Amour Miséricordieux désire-t-il embraser les âmes, puisque votre Miséricorde s’élève jusqu’aux Cieux… O mon Jésus ! que ce soit moi cette heureuse victime, consumez votre holocauste par le feu de votre Divin Amour !… »
         Ma Mère chérie, vous qui m’avez permis de m’offrir ainsi au Bon Dieu, vous savez les fleuves ou plutôt les océans de grâces qui sont venus inonder mon âme… Ah ! depuis cet heureux jour, il me semble que l’Amour me pénètre et m’environne, il me semble qu’à chaque instant cet Amour Miséricordieux me renouvelle, purifie mon âme et n’y laisse aucune trace de péché, aussi je ne puis craindre le purgatoire… »

J.M.J.T.
Offrande de moi-même comme Victime d’Holocauste à l’Amour Miséricordieux du Bon Dieu
[1]       O mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Eglise en sauvant les âmes qui sont sur la terre et [en] délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m’avez préparé dans votre royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu d’être vous-même ma Sainteté.
[2]       Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son Coeur brûlant d’Amour.
[3]       Je vous offre encore tous les mérites des Saints (qui sont au Ciel et sur la terre) leurs actes d’Amour et ceux des Saints Anges ; enfin je vous offre, ô Bienheureuse Trinité ! L’Amour et les mérites de la Sainte Vierge, ma Mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande la priant de vous la présenter. Son Divin Fils, mon Epoux Bien-Aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, il vous le donnera ! » Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais, ô mon Dieu ! (plus vous voulez donner, plus vous faites désirer). Je sens en mon coeur des désirs [infinis] immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! je ne puis recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?… Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie……
[4]       Je voudrais vous consoler de l’ingratitude des méchants et je vous supplie de m’ôter la liberté de vous déplaire, si par faiblesse je tombe quelquefois qu’aussitôt votre Divin Regard purifie mon âme consumant toutes mes imperfections, comme le feu qui transforme toute chose en lui-même……
[5]       Je vous remercie, ô mon Dieu ! de toutes les grâces que vous m’avez accordées, en particulier de m’avoir fait passer par le creuset de la souffrance. C’est avec joie que je vous contemplerai au dernier jour portant le sceptre de la Croix ; puisque vous [avez] daigné me donner en partage cette Croix si précieuse, j’espère au Ciel vous ressembler et voir briller sur mon corps glorifié les sacrés stigmates de votre Passion…
[6]       Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Coeur Sacré et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.
[7]       Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes oeuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !……
[8]       A vos yeux le temps n’est rien, un seul jour est comme mille ans, vous pouvez donc en un instant me préparer à paraître devant vous…
[9]       Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, je m’offre comme victime d’holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour, ô mon Dieu !…
[10]     Que ce martyre après m’avoir préparée à paraître devant vous me fasse enfin mourir et que mon âme s’élance sans retard dans l’éternel embrassement de Votre Miséricordieux Amour…
[11]     Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon coeur vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois, jusqu’à ce que les ombres s’étant évanouies je puisse vous redire mon Amour dans un Face à Face Eternel !…
Marie, Françoise, Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face
rel. carm. ind.
Fête de la Très Sainte Trinité
Le 9 juin de l’an de grâce 1895.

Conclusion

« On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que, si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. Vous raconterez ensuite l’histoire de la pécheresse convertie qui est morte d’amour ; les âmes comprendront tout de suite, car c’est un exemple si frappant de ce que je voudrais dire, mais ces choses ne peuvent s’exprimer. » (CJ 11.7.6 ; 20.7.3)

Voici cette histoire, que Thérèse résume elle-même :
« Il est rapporté dans la vie des Pères du désert que l’un d’eux convertit une pécheresse publique, dont les désordres scandalisaient une contrée entière. Cette pécheresse, touchée de la grâce, suivait le Saint dans le désert pour y accomplir une rigoureuse pénitence, quand, la première nuit du voyage, avant même d’être rendue au lieu de sa retraite, ses liens mortels furent brisés, par l’impétuosité de son repentir plein d’amour, et le solitaire vit au même instant son âme portée par 1es anges dans le sein de Dieu. Voilà un exemple bien frappant de ce que je voudrais dire, mais ces choses ne peuvent s’exprimer… »